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Témoignage de Moriane Moghaddam, étudiante sage-femme au Centre Hospitalier de Saint-Denis

Moriane Moghaddam, 24 ans, est élève à l’école de sages-femmes de l’hôpital Foch. En contrat d’allocation d’étude (CAE) avec Delafontaine, elle a commencé à travailler cet été au Centre hospitalier de Saint-Denis, pour une durée de 18 mois.

Vous avez choisi de devenir sage-femme. Comment définissez-vous ce métier?

« Être sage-femme, c’est détenir le savoir sur le corps de la femme, et pas seulement aider lors de l’accouchement comme beaucoup de gens l’imaginent. C’est un métier méconnu. C’est une profession très féministe. Mes cours ont porté sur les accouchements et la mécanique obstétricale, mais aussi sur les pathologies associées à la grossesse, la contraception, les interruptions de grossesse, le dépistage des cancers, la sexologie, etc. Cela englobe tout ce qui concerne la femme, et le couple, d’un point de vue physiologique. Nous nous occupons également des nouveau-nés, jusqu’à huit jours. Et puis il y a ce qui est invisible : comment s’établit le lien entre les parents et l’enfant, comment dépister les violences conjugales, etc. »

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans la pratique de ce métier ?

« Parler avec des gens que je n’aurais jamais rencontrés autrement et me rendre compte que nous sommes tous différents. Nous avons tous nos limites : être sage-femme m’a fait travailler sur moi. Et puis j’aime le stress, l’adrénaline de la salle d’accouchement tout comme j’aime, en suites de couches, discuter pendant une heure d’allaitement avec la maman, ou encore contraception masculine avec certains conjoints. »

L’émergence du mouvement «Me too » a-t-il joué dans votre vision du métier ?

« Oui, notamment en ce qui concerne les violences obstétricales, parce que j’en ai vues en stage. Nous sommes une génération de sages-femmes revendicatrices et il y a des phrases, des comportements avec les patientes que nous ne souhaitons plus. Elles nous confient des choses, parfois atroces, sur leurs chemins de vie, que ce soit pour l’aide médicale à la procréation, l’avortement, les violences… et ça ne nous laisse pas indifférentes. J’aime beaucoup demander des conseils à des sages-femmes. L’une d’entre elles m’a dit un jour : considère toujours que la douleur, c’est une urgence. Ça m’a marquée car ça me paraissait évident, mais ce ne l’était pas. Accepter une part de douleur pour accoucher sans péridurale, d’accord, mais que la souffrance soit choisie ou pas, il nous faut trouver des solutions, accompagner, encourager ».

Le métier de sage-femme est aujourd’hui en tension, comment l’expliquer ?

« A cause d’un sentiment de mépris. Je ne suis même pas encore diplômée et j’ai déjà ce sentiment-là. Parce que personne ne sait ce qu’on fait vraiment, à part encourager les femmes quand elles accouchent, sans oublier le manque de temps et le salaire ; le libéral est de plus en plus attirant. D’autant plus que nos études vont passer de cinq à six ans et que nous serons docteurs en maïeutique à l’issue de celles-ci. A Saint-Denis, par exemple, nous sommes mieux payées

Est-ce l’une des raisons qui vous a donné envie de travailler ici ?

« J’en suis à mon quatrième ou cinquième stage, ici : j’ai découvert l’hôpital via la Maison des femmes, puis en salle de naissance et suites de couches, les urgences gynéco... je suis tombée amoureuse de la maternité et des sages-femmes. Il y a une excellente équipe. J’ai le droit à l’erreur, de dire que ça ne va pas, car nous sommes confrontées à la douleur et la mort, le droit d’avoir des défauts aussi. J’ai aussi envie d’accompagner les patients, malgré la précarité. Enfin, c’est une maternité où il y a des sages-femmes qui me ressemblent, il y a une vraie mixité : je ne me sens pas en danger, jugée, c’est bienveillant. J’ai même fini par déménager à Saint-Denis pour venir travailler ici ! »